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Dourvac'h
1 janvier 2021

"Heiraten"

 

Heiraten_page_I_de_couverture

 

 

Heiraten_page_IV_de_couverture

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Récit

Editions Stellamaris (Brest), 2015

Couverture brillante, papier épais [mat couché, 115 g].

Ouvrage comprenant de nombreuses illustrations N & B, 134 pages

[prix de vente public : 15 €]

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TEXTES CRITIQUES

(par ordre chronologique de parution en ligne)

 

Julie_Wohryzek___portrait

Julie Wohryzek - autour de 1918

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[1]  LydiaB - critique parue le 26 septembre 2015 [*] :

 

Je viens tout juste de refermer ce livre et j'en reste sans voix. J'avais déjà été charmée par Grand Large, roman sur les affres de la vie dans lequel l'auteur arrivait comme par magie à insérer une prose poétique de toute beauté... Mais là, nous sommes dans une autre dimension. 

Si je vous dis "Kafka", vous me répondez La MétamorphoseLe Procès ou Le Château. Mais Dourvac'h, lui, vous dira instantanément : "Julie". Julie ? Une des oeuvres inconnues de Kafka ? On pourrait presque le voir ainsi. Mais il s'agit en réalité de Julie Wohryzek, une de ses fiancées. Vous l'aurez compris, nous avons là un texte nous relatant la relation entre les deux amoureux ; une relation sur fond de tuberculose puisque la rencontre des tourtereaux s'est faite dans une "pension climatique". 

En s'immisçant ainsi dans les pensées de l'écrivain, l'auteur met en relief tout ce qui le rongeait : la maladie tout d'abord, sa première maîtresse, l'amour passionné pour Julie et... l'amour pour les femmes. Nous faisons face à un être torturé. Qu'en aurait-il été si le mal qui phagocytait ses poumons n'avait pas été là ? Si les parents de Julie avaient bien voulu de ce mariage ? Si Milena n'était pas venue le détourner de son chemin ? Autant de questions qui restent en suspens...

Je persiste et je signe, l'écriture de Dourvac'h est magnifique, travaillée, d'une richesse confinant au sublime. Il y aura désormais, lorsque je lirai du Kafka, cet écrit magistral en filigrane... Un "avant" et un "après" Heiraten

Chapeau bas à cet écrivain qui joue dans la cour des grands ainsi qu'à son éditeur, Michel Chevalier, des Editions Stellamaris, pour avoir eu le courage de publier un livre loin de toutes les sirènes commerciales. Et j'ajoute que celui-ci rend d'autant plus hommage à cette pépite littéraire qu'il est richement illustré sur papier glacé. 

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La pension d'Olga Stüdl à Schelesen (Bohême) autour de 1918

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[2]  nadejda - critique parue le 3 octobre 2015 [*] :

 

Poussez la grille de la pension d’Olga Stüdl à Schelesen où Kafka « le choucas » et Julie « la grive musicienne » vont se retrouver loin de Prague. Vous ne le regretterez pas. 
Cela commence ainsi :  

« Poussant la lourde grille de la pension : comme j’aime son joli grincement ! Un chant dans la neige.
Si près des yeux, sa double rangée de flèches.
Ecailles de métal peint sous la pulpe des doigts — rouille émeraude qu’on aime caresser longtemps comme le dos d’un lézard immobile.
Est-elle déjà là ?
Pas un mouvement aux rideaux.
Pas encore rentrée… »

et se poursuit tout en délicatesse, 

« Visage fragment de lune dont j’admirais le profil.
Cou fléchi de jeune cygne malade. »,

tout en effleurements poétiques pour approcher « l’éternel fiancé » et Julie femme enfant, fantasque, joueuse, mutine qui va lui offrir son rire auquel le sien fera un temps écho pour tenter de couvrir le monde angoissant qui est le sien.
Mais il faudra revenir à Prague où règne le père … Prague, où Milena va faire son apparition. 

« Si je pouvais - pas après pas - rejoindre ton bonheur de vivre… l’approcher pour m’installer à son côté sans l’effaroucher. Sans laisser deviner combien il me réchauffe… L’ombre des pères glisserait alors loin de nous deux. Lentement s’éloignerait dans les ruelles. L’ombre des ruelles ne tient-elle pas de cette ombre-là ? Elle nous laisserait enfin. Nous irions bras dessus, bras dessous. Nous gagnerons le soleil, la place un instant illuminée. Feux de bengale au crépuscule, qu’un forain laisse échapper de sa main » [p. 66]

Et revient aussi le souvenir d’une autre petite fiancée, papillon éphémère qui lui aura, elle aussi, servi à soutenir et faire renaître sa fièvre créatrice.
Gerti à Riva :

« Maintenant assise face à moi, son petit chapeau posé un peu de travers - en se donnant des airs graves. J’ai bien envie de rire mais son regard obstiné d’enfant me fait me reprendre. Je redresse mon menton qui s’appuyait sur un faux col immaculé pour la regarder au fond de l’âme.
Une enfant si confiante, profonde, à l’imaginaire si vaste. » [p. 104]

Ce petit livre jalonné de photos anciennes au charme suranné donne vie à des êtres que l’on pourrait croire sorti d’un album familial et ainsi nous les rend très proches. Et leur belle évocation poétique où s’intègrent des extraits de la correspondance de Kafka et de son journal vient renforcer cette impression de partager leurs rêves, leurs angoisses et leur intimité.

 

franz_kafka_1910

Franz Kafka - autour de 1910

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[3] Barbara Delaplace - critique parue le 12 octobre 2015 [*] :

 

Pourquoi j'aime autant Heiraten ? Pour sa musique nostalgique et amère, pour la poésie de ses phrases qui surnagent longtemps après "Je ne sais pas parler du bonheur", Des phrases qui comme dans Grand Large : "Regarder la mer empêche de mourir" restent gravées dans ma mémoire.

Heiraten, au delà de l'histoire triste d'un amour de Franz K., est une longue poésie qui nous transporte ailleurs (dans le temps et dans l'espace) en décrivant avec une sensibilité incroyable les peurs et les sentiments du narrateur. En tant que peintre, j'admire aussi beaucoup ses qualités d'évocation . Chaque scène pourrait donner lieu à un tableau. 

Bref, un roman à lire mais aussi à garder dans sa bibliothèque pour relire une page au hasard de temps en temps, pour en savourer la musique et redécouvrir la dentelle de ses phrases parfaitement ciselées .

Un grand livre, un nouvel aspect du talent de Dourvac'h.

 

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Gerti Wasner, autour de 1913

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[4] Christiana Moreau - critique parue le 22 octobre 2015 [*] :

 

Je viens de lire ce roman très agréable par sa jolie couverture glacée, sa mise en page "respirante" et je ne l'ai pas lâché jusqu'à la dernière page.

Cela m'a beaucoup plu. le charme opérait. Il est léger comme un flocon de neige et en même temps glaçant; la promesse du malheur perçant sous les rires et les promenades, comme si cette insouciance ne servait qu'à recouvrir d'une fine couche de neige le noir caché en-dessous... cette façon de parler de choses graves d'une façon délicate, ce style romanesque, aérien, imagé emporte le lecteur dans l'intimité des personnages de Kafka et Julie, comme un temps figé dans le froid et les décors sublîmes ou inquiétants.
Le malaise de Franz et de Julie était le mien.
Il suffisait de presque rien... mais le sort n'a pas voulu... le poids de l'histoire, des traditions...

C'est très poétique et joliment écrit, comme un tableau impressionniste, par petites touches juxtaposées.
Cerise sur le gâteau, les photos qui illustrent les endroits dont parle le roman, ne font que renforcer l'ambiance de l'histoire. J'ignorais qu'il existât des endroits aussi étranges que ces rochers sculptés de figures monstrueuses...

Un livre que je recommande chaleureusement !

 

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Synagogue de Vinohrady à Prague, où officiait et travaillait le père de Julie Wohryzek

(elle fut détruite par les autorités municipales - communistes - dans l'après-guerre)

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[5] Patrickdlm - critique parue le 27 novembre 2015 [*] :

 

J'ai lu Heiraten il y a quelques jours. Je m'étais promis de vous faire part de mon sentiment. Aujourd'hui, la pluie tombe, c'est le bon jour.
Je suis heureux de posséder ce livre. Par les originalités de son propos et de sa mise en page, par l'évocation d'une époque et d'une rencontre amoureuse, et par son côté didactique (la brève biographie des protagonistes), c'est un livre inclassable. Donc une réussite !
Je retrouve là ce que j'avais déjà apprécié dans Grand Large, et qui est très éloigné de ma propre écriture : votre art de l'élision.
Cela relève de la poésie, bien sûr, en témoigne le tout premier paragraphe, pour moi un très joli poème. Et tant d'autres passages …
Merci pour ce long poème d'amour sur fond absolument pas kafkaïen. Franz K. est un jeune homme normal, sauf qu'il est juif, pauvre et tuberculeux. Il fréquente les sanatoriums.
Ça me rappelle mon enfance, où la tuberculose était soignée dans ces établissements hospitaliers, disparus depuis et où quelques camarades étaient soignés.
C'est que vous êtes tombé amoureux de Julie W. Ça saute aux yeux ! Félicitations ! Elle est très belle.
C'est bien de l'avoir fait revivre, cette jeune fille fort sage au destin tragique, comme celui, hélas, de toutes les familles juives de Tchécoslovaquie.
Les photos sont fort instructives également. Julie semble avoir 16 ans sur la couverture.
Je feuillette et re-feuillette ces pages ; une espèce de nostalgie s'empare de moi, une douce torpeur ; sans doute due au regret de les avoir quittées si tôt.
Il me faudra y revenir, ne pas hésiter à me plonger au hasard des pages, relire quelques phrases, détailler une photographie, lire une biographie.

 

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"Klacelka" : oeuvre sculptée dans le grès par Vaclav Levy (forêt de Libechov/Liboch près Zelizy/Schelesen, Bohême)

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[6] bobsinclar69 - critique parue le 2 mars 2016 [*] :

 

Heiraten est un roman que je recommande vivement. le style ciselé et l'immersion en plein coeur (en plein poumon) de cette pension climatique où se joueront la rencontre et l'amour entre Julie et Franz est bougrement prenante, parfois un peu oppressante, mais c'est sans doute l'effet recherché. Heiraten peut, par instant, dérouter mais ce roman nous captive de bout en bout et l'on s'attache aux personnages et l'on se surprend à souffrir avec eux. Il est important de signaler aux futures lectrices et futurs lecteurs que les mots sont fort judicieusement choisis et que l'on sent un véritable amour pour le langage, la narration et la construction d'une intrigue chez cet auteur de qualité. Dourvac'h qui nous avait beaucoup séduit avec Grand Large récidive ici avec un roman plus introspectif et c'est une belle réussite.

 

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"Hrad Kokorin" : Château de Kokorin - près Libechov/Liboch, Bohême

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[7] paul0914 - critique parue le 31 mars 2016 [*] :

 

Au départ, un sentiment d'immobilisme. 

Voici Franz Kafka, un homme énigmatique et intriguant qui se « terre » dans une pension au coeur d'une forêt enneigée. 
Que cherche-t-il ? Fuit-il ses démons dans un endroit reclus ? Cherche-t-il simplement du calme dans un endroit isolé ? Quoiqu'il en soit le décor, aussi mystérieux soit-il, est posé et ne cessera d'évoluer au fil de la lecture. 
En effet, nous partons alors à la découverte de cet homme paradoxalement antipathique mais attachant et la lecture se transforme peu à peu en ballade, un peu à l'image de cette promenade nocturne au coeur de la forêt enneigée. Comme les promeneurs, nous sommes happés par quelque chose, d'étrange mais magnifique qui nous pousse à la continuer (la lecture/la ballade) alors même que nous sommes cernés par le froid et la nuit de la personnalité de Kafka (une personne attachante par sa complexité finalement). 
Pourtant, la pénombre de l'âme de Kafka se voit être sublimée par la spontanéité et la beauté de l'âme des femmes qu'il rencontre et notamment cette Julie, dont la relation avec Franz Kafka est pour le moins peu banale, parfois incompréhensible (relation amoureuse ? relation amicale ? jeux d'enfants ?), mais toujours avec une sincérité touchante.
Tels les personnages au coin du feu, nous sommes finalement comblés, réchauffés par la puissance de cette relation pourtant étrange. 
Finalement, il ne faut pas chercher à comprendre mais simplement à se laisser porter par les flux sentimentaux des personnages si bien dépeints par Dourvac'h. 
Il faut simplement vivre cette histoire d'amour/amitié entre le froid de l'hiver et la chaleur de l'âme des personnages, l'agitation des rues de Prague et le calme de la pension, le mystère des légendes locales et la sincérité des sentiments. 
Le tableau est posé, le tableau est vivant, Dieu que c'est bon !
Merci, Dourvac'h, pour cette ballade poétique, magnifique et sincère.

 

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Julie Wohryzek après son mariage, années 1920

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[8] michfred - critique parue le 4 avril 2016 [*]

 

Entre le poème-conversation et le poème tout court, entre la neige et le lac, entre Julie et Gerti, entre les rochers des Diables et le balcon des anges, voici Heiraten...
Les "Noces" du récit et de la poésie.
Je n'ai pas "aimé" bêtement ma lecture : j'ai été envoûtée, bercée, magnétisée par le chant de Dourvac'h. 
Oui, le chant : une pincée de tchèque, un fidl de yiddish, ein bischen d'allemand et surtout sa langue à lui, toute de suggestions, de langueur maladive et de douceur... Subtile et triste, cultivée et enfantine, pleine de fêlures et de rires cristallins, pleines de larmes et de sourde angoisse. 
L'histoire est simplissime.
Franz Kafka rencontre Julie, dans une pension sous la neige, près d'une grande forêt où un sculpteur un peu fou a sculpté de géantes têtes de démons. Tous deux sont jeunes, tous deux sont phtisiques, tous deux sont juifs. Mais elle est gaie et toute naïve, lui est sombre et comme hanté par la mort à l'oeuvre dans son faible corps, par l'ombre terrible du père, par ses livres qui le dévorent comme une fièvre. 
Elle veut l'épouser: elle a déjà perdu un premier fiancé à la guerre. Elle veut un anneau. Il le lui achète mais bientôt par faiblesse, par lâcheté, par fatigue, il cède à l'interdiction menaçante de son père, - ou est-ce à la peur de la mort et de l'amour charnel ? à la rencontre avec Milena, l'âme-soeur? 
Pour la consoler, la distraire, il lui conte l'histoire d'un autre de ses amours perdus : Gerti, rencontrée au sanatorium.
Franz et Julie ne s'épouseront jamais. L'anneau de Julie n'aura jamais son pendant sur la main décharnée de Franz...
C'est tout. 
Mais c'est ne rien dire du charme intense de ce petit livre ciselé, musical, amoureusement construit, illustré, présenté.
J'avais lu et aimé déjà Grand Large : plus breton, plus romanesque, plus narratif -mais déjà plein de poésie et très impressionniste dans ses couleurs et sa palette...
Dourvac'h joue ici d'autres gammes : on pense à Caspar David Friedrich, à Adolphe, aux grands mythes du romantisme allemand, la Loreleile Roi des AulnesLeonore, et aux mythes juifs et tchèques — ces rochers diaboliques sont les Golems de la forêt — mais surtout son livre est ancré dans l'histoire d'un auteur qui est devenu comme son frère.
Il est Franz, il marche avec Julie dans la neige, il tient sa main et se désole de ne pas l'aimer assez, de ne pas l'aimer mieux, elle qui est si gaie, si tendre...
En lisant Heiraten j'avais mille images dans les yeux, et la musique klezmer berçait mon coeur de ses violons tour à tour frétillants et déchirants.
On doit relire Heiraten, presque tout de suite : c'est trop court, trop parfait.
On a l'impression d'avoir rêvé...

 

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Gerti Wasner enfant

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[9] SylvieDeSaintPhalle - critique parue le 9 mai 2016 [*] 

 

Le livre Heiraten est une petite fleur rouge dans le panorama littéraire français, très en dehors des logiques éditoriales si "commerciales"... Ce récit, s'abreuvant à de nombreuses sources littéraires et épistolaires, narre avec un style très esthétique l'histoire d'amour et les sentiments les plus profonds entre Franz (Kafka) et Julie (Wohryzek), la jeune fille qu'il rencontra dans la neige de Bohême en janvier 1919. Mais le livre n'est pas seulement le récit d'un amour, c'est un travail très profond et méticuleux de recherche dans l'existence du futur "grand écrivain" Kafka, comprenant les témoignages de ses proches, des extraits de son journal et de sa correspondance - avec de nombreuses photographies des protagonistes, des reproductions de cartes postales anciennes ou gravures des lieux qu'ils ont "hanté"... le lecteur arrive dans l'histoire comme ferait une petite « Alice au pays des merveilles » découvrant peu à peu un monde étrange : celui des sentiments les plus intimes de ces "grandes personnes"... C'est un roman délicat, fortement original tant dans son style que dans sa façon de décrire l'expérience émotionnelle des personnages. Un petit cadeau pour âmes sensibles !

 

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Prague, années 1910

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[10] ClaireG - critique parue le 13 juillet 2016 [*] 

 

Sanatorium de Riva (Tyrol) – 1913
Gerti et Franz. Kafka, 30 ans, rencontre la toute jeune Gerti, die Schweizerin, qui restera sa douce nostalgie, son idéal féminin. Elle adore les contes illustrés. Il ne lui dessine pas un mouton mais un chevalier, une princesse, un vieil elfe. Sa trace légère s'est perdue dans les limbes.

"Pension climatique" de Schelesen (Bohême) – 1919
Julie et Franz. Kafka, 35 ans, rencontre la jolie Julie. Ils se promènent, se plaisent, roucoulent, se fiancent, rompent, se revoient, se quittent. Elle est gaie et fougueuse, elle adore les musiciens de Prague. Il est sombre et pensif, l'écriture le torture, il souffre de l'autorité intraitable de son père qui refuse le mariage. 
Milena J. pourrait-elle être la cause de cette rupture définitive ?
Franz Kafka  laissé une nombreuse correspondance et ses manuscrits à son ami, Max Brod, avec mission répétée de tout détruire. L'ami n'obéit pas sans quoi nous n'aurions jamais connu Le ProcèsLe ChâteauLa colonie pénitentiaire, etc.
Heiraten (Noces) raconte de manière poétique, avec finesse et sensibilité, ces deux rencontres amoureuses. Alliant les dialogues imaginaires aux extraits de correspondance ou du Journal de Kafka, l'auteur nous entraîne sur les bords du lac de Garde, devant les énormes rochers sculptés de Vaclav Levy dans la forêt pragoise et dans les rues animées de la capitale tchèque. L'alternance de l'allemand, du tchèque et du yiddish donne un rythme très réaliste à ces amours sincères mais entravées.
Le bonheur est toujours de courte durée mais comme l'écrit Kafka : « Je ne sais pas parler du bonheur. N'est-il pas temps que j'apprenne ? »
Il a beaucoup appris mais sa nature fragile eut raison de son désir à 40 ans.
Les photos sépia de ces belles dames, de Prague et de sa pension sous la neige, invitent à feuilleter ce joli livre et à en découvrir tous les petits trésors de ces vagues amoureuses comme on s'attarde avec nostalgie sur un album de jeunesse. Une courte biographie de chaque personnage complète ce tableau gracieux en demi-teintes.

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orchestre Klezmer et enfant dansant

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[11] Mahema - critique parue le 2 septembre 2016 [*] :

J'ai beaucoup aimé la subtilité et la délicatesse de cette écriture poétique qui porte avec force la relation des personnages entre eux : Kafka et Julie, Kafka et Gerti. Je me suis laissée porter par cette lecture, j'ai lu sans m'arrêter une fois et j'ai goûté le rythme et le regard du narrateur vers l'intérieur pointé d'ironie, de conscience et de sensibilité et ainsi vers le monde extérieur, à l'autre. Puis j'ai relu au hasard et j'ai goûté cette belle écriture. 

 

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 Forêt de pins - versant sud du Mont Fourcat, Ariège, été 2015

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[12] Fleitour - critique parue le 6 septembre 2016 [*] :
Heiraten (Noces, ou au sens strict : "S'unir avec" en langue allemande) est le récit bouleversant des rencontres amoureuses de Kafka avec deux jeunes filles dont Julie W., nouées avec ce brin d'espoir : « La mort attendra bien encore un moment. » [page 44].
Le texte est un pur cristal, comme un verre dans la lumière floue du matin, comme le cristal de Roederer, fragile bouquet de parfums, de sentiments indicibles, un moindre faux pas et tout se brise, pour ces âmes clouées à un corps trop frêle. 
" Nul ne lira ce que j'écris ici; nul ne viendra m'aider" : Max Brod n'a pas détruit l'oeuvre de Kafka, et les documents sont restés intacts même les plus secrets.
Et nous lisons ce qu'il a écrit, malade de la tuberculose, comme Julie W., comme Gerti W.
Dourvac'h a restitué dans Heiraten, tous les éléments de ces rencontres, des photos, des lettres, notamment de Kafka, jusqu'à émailler son texte de paroles en allemand ou en yiddish, apportant une étrangeté comme une sorte de grâce, entourant le son de leurs voix.
Texte d'un romantisme absolu, les mots sont fragiles, ils portent une ferveur amoureuse et une menace douloureuse, "T'écouter c'est entendre la plainte de chacun des arbres, endurer leurs plus humbles tracas." 
Plus on avance dans le texte plus la sincérité et la puissance de leur amour paraît éclatante et inébranlable, "toi que j'aime jusque dans ta beauté tragique."
Tout bascule, "car fuir, est impossible", " Viendra l'hiver je le sais bien. "
"Je lui tiens la main le silence nous sépare, tu comprends,"dit Kafka à Julie, et plus loin encore, "Nous ne pouvons nous marier puisque père t'a déjà insultée", et  viendra la peur , "Nous ne pouvons nous marier puisque j'ai peur de mourir, et parce que tu devrais mourir à ton tour !", - Et alors ? dit Julie. 
Dans ce récit, l'extrême sensibilité de Kafka est traduite d'une façon lumineuse, loin des clichés souvent exprimés par de bons érudits, pas mécontents de mettre sur le dos de Kafka, la seule partie noire de son oeuvre. 
Ce n'est pas une fiction imaginée par un fougueux romantique breton. Les dialogues sont en harmonie avec les écrits de Kafka, la mélancolie qui étreint Julie et Kafka, dans la recherche d'une issue, se heurte à leur maladie, à leur fragilité. L'aventure avec Gerti W. est une diversion de plus, car « [il] ne sai[t] pas parler du bonheur ».
Désespéré, il en appelle à la mort : « La maladie se débarrassera de moi. Tout devra disparaître. Max comprendra bien ça."
C'est bien Kafka lui même qui va dans sa solitude, perdre sa fiancée, éprouver une dernière fois, l'amour impossible et la mort prévisible. Morts tragiques que connaîtront 20 ans plus tard Julie et les trois soeurs de Franz dans les camps Nazis.
Que les lecteurs de Kafka se bousculent pour éprouver ce très beau texte, d'une poésie et d'une pudeur farouche : « Je n'ai plus froid... et tu es là, ça me suffit. Berce-moi. ».
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Forêt du Plantaurel au crépuscule - Ariège, été 2015
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[13] CWald - critique parue le 19 novembre 2016 [*] :

J'ai été captivée par l'univers de Kafka pour la seconde fois dans ma vie de lectrice. Kafka semble continuer son journal.... À la manière des cadavres exquis, c'est à ne plus savoir qui est l'auteur.
Une belle réussite !
Dès la première page, nous sommes aspirés, grâce à la beauté de l'écriture, dans l'univers amoureux de Frantz Kafka. Une écriture qui sert si bien cet univers, que parfois, nous retenons notre souffle, par peur d'être indiscrets...
Surprenante cette sensation que Kafka lui-même s'est glissé dans la peau de Dourvach pour évoquer ses bien-aimées. Ou serait-ce l'inverse ?
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Forêt du Plantaurel - Ariège, printemps 2015
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[14] nelly76 - critique parue le 4 février 2017 [*] :



Je vais essayer de vous parler de ce petit livre remarquable, mais depuis trois jours, les mots me manquent tant j'ai été subjuguée par sa lecture; Dourvac'h nous fait partager sa passion pour Kafka au travers ce magnifique petit roman en papier glacé, illustré de nombreuses photos anciennes et qui se divise en trois livres.


Livre 1 : Janvier/février 1919
La rencontre de Franz Kafka avec Julie Wohryzek à la pension d'Olga Stüdl à Schelesen en Bohême.
La beauté de la poésie, n'a d'égal que la beauté de Julie, Kafka m'a pris par la main et m'a entraîné au milieu de ces paysages enneigés en compagnie de Julie. Une atmosphère feutrée, des mots chuchotés, une discrète pudeur lors des conversations : est-ce Kafka qui nous raconte ? Non, c'est Dourvac'h, mais il nous emmène loin grâce une poésie d'une rare beauté, envoûtante, lyrique, et si pudique.

Livre 2 : Prague, mars 1919/décembre 1919
Retour à la réalité, Kafka doit travailler pour vivre, mais sa maladie le rattrape et prématurément doit prendre sa retraite.Il part quelques jours dans la ferme de sa soeur Otla, peu de temps après, il rompt ses fiançailles avec Julie Wohryzek, Il veut fuir cet amour impossible, car il sent sa mort proche, il la redoute mais n'a pas le courage de se suicider.

Livre 3 : Riva1913
Retour en arrière où lors d'un séjour au sanatorium de Riva il rencontre une jeune Suissesse de 18 ans : Gerti.
Évocation tout en douceur, la jeune fille étant à peine "sortie de l'enfance", et le spectre de la mort ne rôdant pas encore autour de Kafka.
C'est un livre à garder précieusement,et de temps à autre, relire ces phrases d'une beauté simple, pure, envoûtante et discrète.

A conseiller pour les amoureux de la très belle poésie ; merci à Dourvac'h pour cette sublime "plongée" dans la vie de Kafka.

 

P1050326

 Forêt du Pays d'Olmes - Ariège, novembre 2015

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[15] Cricri124 - critique parue le 4 février 2017 [*]  :

Ha ! Quel magnifique ouvrage, aéré et aérien; une onde poétique vibrante de romantisme. J'ai a-do-ré !

L'auteur peint avec des mots la rencontre de Franz Kafka et Julie Wohryzek, sa fiancée éphémère aux contours éternels. Égrainés de photographies et d'extraits du journal et de la correspondance de Franz Kafka, il fait fleurir ses amours, comme un bouton en forme de promesse.

" Je ne sais pas parler du bonheur.
N'est-il pas temps que j'apprenne ?
Un pas, puis deux dans la lumière...
Comme un enfant apprend à marcher. "

Ce n'est ni une biographie, ni une fiction, c'est les deux à la fois! Basé sur les écrits de Kafka, il s'agit d'une évocation de l'amour et ses tourments. Amours reviviscents, amours impossibles, amours tendrement romantiques, Kafka est attiré par Julie comme un papillon est attiré vers la lumière. Elle incarne la vie, la fraicheur, l'insouciance, la gaité. Tout son contraire, lui, dont l'âme est si tourmentée par la maladie et la mort.

"Tu parviens à me faire rire de moi avec toi - de mon brouet de petits malheurs, clairs et réjouissants pour toi, opaques et désespérants pour moi..."

C'est aux portes de la pension Stüdl que nait leur histoire et commence l'histoire.

"Poussant la lourde grille de la pension: comme j'aime son joli grincement! Un chant dans la neige.
Si près des yeux, sa double rangée de flèches.
Écailles de métal peint sous la pulpe des doigts - rouille émeraude qu'on aime caresser longtemps, comme le dos d'un lézard immobile.
Est-elle là? (...)"

La suite est tout aussi délectable...
Dans ce sanatorium dédié au repos et à la convalescence, qui semble protégé par un cocon neigeux, entouré d'une forêt d'ombre et de lumière, au sein de laquelle les "Diables de Levy" sommeillent, leurs amours s'épanouiront délicatement. Mais le retour à Prague est aussi celui du douloureux réveil, de la réalité qui balaie tout sur son passage, de l'omniprésence du père, de la peur de s'engager peut être. C'est également celui de la réminiscence de ses amours avec Gerti Wasner. La forêt enneigée qui nimbe son amour pour Julie finit par se fondre dans les lacs aux eaux dormantes de celui pour Gerti. Kafka apparait comme un amoureux de l'amour qui puise dans ses amours la force de vivre et d'échapper à la réalité.

"Douceur et mélancolie de l'amour. Son sourire s'adressant à moi dans la barque. C'était le moment le plus beau. Toujours désirer mourir, et surnager encore, cela seul est l'amour. " Franz K., Journal, 22 octobre 1913.

Ce livre original dans sa forme, inclassable dans son contenu, est superbe, comme une esquisse au fusain aussi légère qu'ombragée, comme un chant mélodieux au coeur de la nuit. Si vous aimez les belles écritures harmonieuses, ciselées et délicieusement poétiques qui chantent l'amour, vous l'aimerez aussi. Si en plus, vous êtes curieux de l'homme que pouvait être Franz Kafka, ce livre est définitivement pour vous! Un ouvrage trop court au nectar délicieusement gouteux, avec un petit gout irrésistible de "reviens-y". Sublime ! Une très très belle découverte.

 

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 Lever de lune - Ariège, novembre 2015

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[16] kielosa - critique parue le 5 octobre 2018 [*]  :

 

En feuilletant le petit livre de mon ami Dourvac'h je fus agréablement surpris d'y trouver une photo de Max Brod (1884-1968), "l'ami indéfectible de Franz Kafka", comme spécifie l'auteur. Je me souviens d'avoir, dans un moment d'idéalisme juvénile, souffert à cause de mon Français rudimentaire, sur son ouvrage Franz Kafka : Souvenirs et documents de 377 pages. Je suis allé consulter ma liste de livres lus et j'ai été sidéré par la date : le 7 février 1964, j'avais 17 ans. Bien que je n'étais pas assez mûr pour apprécier ce livre à sa juste valeur, il m'avait impressionné et c'est de là que date ma grande admiration pour Franz Kafka. Mais j'ai eu le bon sens d'attendre un peu avant de m'attaquer à son Le Procès, La métamorphose et Le Château.


Lors de ma première visite à Prague, en 1970, une amie tchèque m'a amené, à ma demande, à la tombe de ce géant de la littérature et de sa famille. J'ai aussi pu admirer la plaque commémorative, juste en face de cette tombe, à la mémoire de Max Brod qui, lui, a été enterré en Israël.

Cet ouvrage a reçu 15 critiques favorables sur Babelio et après les chroniques superbes de LydiaB et de mon amie ClaireG, il n'y a pas grand-chose que je puisse ajouter de sensé.

Sauf peut-être que ce document, puisqu'il s'agit d'un document, m'a plu. Il est par ailleurs richement illustré avec des photos de Julie Wohryzek, un amour de Kafka dont il a brossé un portrait flatteur dans une lettre à Max Brod, née à Prague en 1891 et morte à Auschwitz en 1944, et de la très jeune Gerti Wasner de Lübeck avec qui il a eu une liaison éphémère. À propos de cette Gerti, Kafka a écrit : "Pour la première fois j'ai compris une fille chrétienne et j'ai vécu pratiquement complètement sous son influence".

Ce qui m'a un peu étonné c'est de ne point y rencontrer une photo de Milena Jesenska, née également à Prague en 1896 et une autre victime des nazis, morte à Ravensbrück en 1944. Kafka et elle ne se sont rencontrés que 2 fois, mais comme Milena ne voulait pas divorcer de son mari, Kafka a mis fin à cette liaison. Elle a traduit plusieurs nouvelles du grand maître tchèque et j'ai lu d'elle Vivre que je peux vous recommander.

La rencontre de ces 2 amours brefs de Kafka, mort à 40 ans de tuberculose, est présentée de façon admirable : romanesque et littéraire. Certains passages vous prennent à la gorge, surtout si l'on tient compte de l'endroit, des sanatoriums, et du sort tragique des personnages.

Que penser du passage suivant (à la page 92) : "Nous ne pouvons nous marier parce que je suis si malade...Nous ne pouvons nous marier car tu deviendrais si malade... Nous ne pouvons nous marier parce que j'ai si peur de mourir..."

C'est triste de penser ce qu'un des plus grands écrivains du siècle dernier aurait pu nous laisser encore comme oeuvres merveilleuses, si une défaillance pulmonaire n'en avait pas décidé autrement !

C'est tout le mérite de Dourvac'h et des Éditions Stellamaris de Brest d'avoir rendu un hommage admirable à l'immortel Franz Kafka. J'espère que cet ouvrage contribuera à un regain d'intérêt pour cet auteur parmi les jeunes lectrices et lecteurs.

 

P1050344

Forêt au pied du Mont Fourcat - Ariège, novembre 2015

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[17] manolle - critique parue le 17 décembre 2018 [*] :

 

Le thème de Kafka et la très belle critique de LydiaB .. avaient éveillé ma curiosité. Ce livre était dans ma liste « à lire ». C'est chose faite aujourd'hui et je n'ai pas été déçue. Je dirai même que j'ai eu un véritable coup de coeur. Cette romance entre Kafka et Julie Wohryzek.. leur rencontre au sanatorium leurs promenades... l'atmosphère pragoise… on est happé par ce récit tout en délicatesse. Un instant on oublie l'ombre de la maladie...

L'émotion est palpable dans chaque mot chaque phrase... Dans un style fluide et élégant, une écriture soignée riche et poétique (comme je les aime), Dourvach nous transporte dans un autre monde. On souhaiterait poursuivre encore et encore...

Décidément oui un véritable coup de coeur... et que ça fait du bien de lire une telle prose...

 

P1020522

 Nuit sur les Hauts de Cagnes-sur-Mer, Alpes-Maritimes, décembre 2015

*

[18]  Jean-Louis PIERRE, Président d'honneur de l'association Les Amis de Ramuz

- courrier dactylographié adressé à l'auteur, en date du 2 janvier 2018 :

 

Avec Heiraten (Noces), Dourvac'h nous propose un précieux petit ouvrage de 134 pages consacré à Franz KAFKA - plus exactement aux rencontres amoureuses de Julie Wohryzek (les dix-sept premiers chapitres) et Gerti Wasner (les trois derniers chapitres en "flash-back").

L'ouvrage est accompagné de brèves notices biographiques des principaux protagonistes, avec leur photo. Des éléments de la correspondance de Kafka avec son ami Max Brod, ou du "Journal" figurent soit en exergue aux chapitre soit intégrés au texte, en italiques.
Par souci de "fidélité envers les trois langues dont s'alimentaient quotidiennement Julie Wohryzek et Franz Kafka", l'auteur a, ponctuellement, redonné en langue originelle (allemand, yiddish, tchèque) quelques mots, expressions, ou répliques de dialogues. Intention louable mais pas indispensable - l'ouvrage est lui-même un hommage sensible à ces êtres trop tôt disparus - et cela rompt parfois, quelque peu, la continuité des propos et de la langue, contraignant à recourir à la lecture de leur traduction en bas de page. Un peu étonnant car la langue allemande a été, certes, la langue d'échanges : ce fut aussi celle des bourreaux d'Auschwitz où périt Julie.
Dourvac'h a voulu évoquer quelques moments fugitifs de bonheur de la rencontre amoureuse et de son innocence. Des échanges délicats, pleins de fraîcheur, de tendresse ludique ; une tonalité nervalienne parcourt certains passages et l'émotion nous saisit car est esquissée, comme en filigrane, la présence de la maladie et de la mort. Emotion aussi car la réussite de l'auteur est là qui nous incite à partager de tels moments avec un Kafka dont on a une image bien sombre ; on oublie que les êtres les plus inaptes au bonheur connaissent aussi des des instants de de joie, d'insouciance.
L'auteur a choisi un style fait de brefs dialogues, de nombreuses phrases nominales. La juxtaposition de ces notations, de nature et de fonctions diverses, qui ponctuent le texte lui donne une résonance poétique, comme un tableau fait de petites touches de "couleurs" différentes. C'est, au fond, une sorte de récit-poème.
Les derniers chapitres qui évoquent la toute jeune Gerti Wasner rencontrée en août 1913 au sanatorium de Riva effectuent un retour en arrière du point de vue chronologique mais c'est une autre logique subtile qui est à l'oeuvre : celle d'une sorte d'élévation finale vers l'innocence de l'enfance et le rêve.
Ainsi se clôt ce petit volume. On sait gré à Dourvac'h de ces pages qui nous font voir Kafka sous un autre jour : une facette de l'écrivain sans doute minoritaire mais profonde pourtant, essentiellement et poétiquement si humaine. L'on se pose enfin la question d'une autre rencontre importante et mieux connue de Kafka, celle de Milena Jesenska, que l'auteur n'évoque qu'au travers d'une notice biographique à la fin de son ouvrage : elle aussi assassinée par les Nazis, à Ravensbrück...
Et l'on a envie de reprendre la lecture de l'intégralité de l'Oeuvre de Kafka, signe de la réussite de ce discret ouvrage de Dourvac'h.

 

Julie_Wohryzek3

 Julie Wohryzek - autour de 1918

*

[19] lecontebenedicte - critique parue le 4 janvier 2020 [*] :

" Sous de lourdes, hautes façades, toujours prêtes à crouler, chaque être est point de lumière fuyante : poussière de constellations dans le brouillard des ruelles. "


Dans Heiraten tout est légèreté et lumière. L'amour, même éphémère, brille sur ces beaux visages de femmes, celles qui ont aimé Kafka, l'écrivain mélancolique et indécis qui craint de blesser celles qu'il aime.

L'auteur de ce livret, que l'on prendrait pour Kafka lui-même si de discrètes citations en italiques ne nous détrompaient, se faufile comme une ombre "dans ses habits de citadin", et souffle leurs paroles aux personnages qu'il fait revivre.

Tout en petites touches, telles des lapins de garenne , "traces de pinceau dans le paysage", phrases courtes, fragmentées : "Tout de même eu froid"/ "A peine pu travailler", injonctions : "Au plus vite se délivrer de ce mauvais acteur", poésie : "Ici comme ailleurs nous glissons vers l'hiver" "Les mots de Julie résonnent dans la forêt des ombres"./" Une apparition blanche au détour des rameaux."

Humour enfin : "Chaque fois qu'il s'approche, je surprends ses poils drus cherchant la sortie de ses oreilles". L'humour de Kafka.

Du père, peu de mots : réussite "solide, indéfectible". Lapidaire.
De l'amour charnel, presque rien, quelques baisers que l'on devine chastes.
Que la question reste sans réponse, c'est ce qu'il faut.

Pureté, clarté, un style inimitable qui réussit à nous mettre les larmes aux yeux quand nous pensons à la mort de cet homme malheureux que fut Kafka, au point de vouloir que l'on brûle toute son oeuvre.

Savoir qu'il eut cet ami indéfectible et que sans Max Brod une partie de son oeuvre eut été détruite.

C'est un tableau que nous contemplons, un tableau de neige, froid comme la tristesse, sobre, émouvant. Sa simplicité même est son atout le plus grand.

Merci à l'auteur qui pour en parler si bien devait éprouver un grand amour pour l'écrivain et surtout avoir avec lui de belles affinités.

 

P1050232

Pins et bouleaux, forêt du Pays d'Olmes - Ariège, novembre 2015

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[20] Clandestine - critique parue le 28 décembre 2020 [*] :

Le sentiment de douce mélancolie éprouvé quand on referme «Heiraten» ne trompe pas. L'auteur a réussi son pari, exposé dans un bref avertissement, d'évoquer, sans «en trahir aucune», des «personnes depuis longtemps disparues», et cela par un pur effet de son imagination et d'un travail de composition et d'écriture qui, de ses descriptions et dialogues, fait jaillir des images lumineuses et simples, tandis qu'en contrepoint photos et citations viennent asseoir le texte sur la documentation sensible qui a soutenu son avancée.
Malgré les documents – « Journal », correspondance, témoignages – auxquels nous avons accès, la vie intime de Kafka, et notamment la vie amoureuse de cet «éternel fiancé», reste toujours un mystère. En choisissant la discrète Julie de préférence à Felice la raisonneuse, Milena l'impétueuse ou Dora, la compagne des derniers jours, l'auteur nous offre, à l'aide de scènes quotidiennes, de propos quasi anodins, de gestes interrompus aussitôt qu'esquissés, l'image d'un Kafka doux et timide s'efforçant de maintenir à distance l'incessant combat intérieur qui le mine. Tandis que, contrastant avec l'inévitable rupture, la dernière partie est consacrée au souvenir enchanté de son idylle avec Gerti, la petite Suissesse rencontrée sept années plus tôt. Les amours les plus durables ne seraient-elles que les amours rêvées ?
Il est impossible de lire Kafka sans que se construise, souvent à notre insu, un double imaginaire de l'écrivain, double qui accompagne notre lecture – chimère composée d'un mélange inextricable de l'auteur et de nous-même. Celui qui habite le beau texte de Dourvac'h nous berce d'une mélodie délicate, celle d'une fontaine née d'eaux de sources diverses – comme l'évoque le bruissement des langues – intimement mêlées.

 

P1020677

DOURVAC'H, Uns Beide in Schnee nach den Teufeln... (détail huile sur toile - 2020)

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[21] Siabelle - critique parue le 23 janvier 2021 [*] :

 

Les Éditions Stellamaris (Brest) ont édité en 2015 ce beau livre Heiraten (Noces) : c'est aussi un bel objet avec ses pages glacées qu'on peut commander sur le site web de l'éditeur. C'est difficile de trouver les mots, disons que c'est un gros coup de coeur, une lecture vraiment incroyable, l'auteur Dourvac'h nous transporte littéralement et dès la lecture finie, on est à la fois désarmé et conquis.

Lorsqu'on entre dans le livre, c'est un peu faire entrer le soleil à travers les ombres, on entend même le bruit de la forêt, on se laisse bercer par la voix intérieure de Franz K. et on se sent rapidement projeté déjà dans son univers sombre et des ombres mystérieuses. « Eh bien, qui vient troubler ainsi ma retraite ? ». Il partage en trois parties ce que Franz K. vit au quotidien à travers deux rencontres magiques et tragiques : Julie W. & Gerti W. « La vie a bien besoin de ressembler à un fin de trait de lèvres, de ceux qui nous ouvrent le ciel étoilé. ». L'histoire se déroule de 1918-1920, de Schelesen à Prague... Franz K. rencontre Julie W: « Une jeune fille qui m'aime et que j'aime… ». Noces éternelles entre l'amour impossible et la mort invisible. Nous découvrons que Franz K. est un amoureux de la littérature, il aime créer des histoires et il sait bien les raconter à ses interlocuteurs. Il se remémore aussi sa rencontre avec la jeune Gerti, qui se déroule en 1913 sur les rivages de Riva. L'auteur sait très bien faire naître des images, comme lorsque Franz lui relate ses petits contes. « Notre petite Princesse Gerti ne voudrait-elle pas courir l'aventure, elle aussi ?… Sur ce visage adolescent, ce matin-là je vis fleurir le plus doux des sourires – pareil à ce premier soleil qui levait les brumes du lac par-dessus son épaule ».

Une longue recherche a été faite pour écrire ce livre, Heiraten, et lui donner toutes ses richesses. Ses illustrations nous permettent aussi de nous amener au mieux dans cet univers et nous le rendre exceptionnel. Les langues allemande, tchèque, yiddish sont introduites dans les dialogues et tout est écrit afin de refléter les mentalités de ces temps anciens. L'avertissement de l'auteur le justifie ainsi : « Autant de mélodies humaines reflétant la prodigieuse diversité culturelle de leur époque… »

On ressent un être profond à la fois tourmenté et dont l'auteur sait très bien saisir l'intériorité en nous faisant vivre cette expérience inoubliable. C'est grâce à son contact qu'on apprend à le connaître à travers les différentes facettes de sa vie et sa relation avec son Père… Ce père déclarant à son fils Franz : « Chaque jour, toute sa vie, travailler pour nourrir sa famille comme je le fais… », puis le jugeant : « Ne pas perdre son temps à écrire des histoires ! ».

Ce récit « Heiraten » est comme une pièce musicale que l'on vit à différentes tonalités, qu'on traverse sur le chemin des ombres, là où la lumière éphémère se glisse dans la pénombre. Il est inévitable d'éprouver beaucoup de tendresse pour ces personnes qui ont existé et auquel l'auteur donne une seconde vie. Ce livre vous fera vivre des émotions telles des vagues sombres et des lumières.

« - Franz, tu peux être ou redevenir enfant, toi aussi… regarde-moi un peu et prends exemple ! Elle fait une horrible grimace en déformant sa grande bouche magnifique… Je souris : Julie me fait repenser à l'histoire que G*** préférait… Je racle ma voix la plus mâle… comme dans les lectures publiques… ».

Je me permets aussi de signaler pour vous la longue liste de toutes les oeuvres de Franz Kafka [...] dont je vous donne ici le lien : https://www.babelio.com/liste/12561/Franz-KAFKA-1883-1924-une-trop-breve-existence.

Enfin, cette belle citation parle vraiment d'elle-même : « Un grand auteur est celui dont on entend et reconnaît la voix dès qu'on ouvre l'un de ses livres. Il a réussi à fondre la parole et l'écriture. »  (Michel Tournier). Elle m'a fait penser à Heiraten et à son beau petit monde livresque.

P1020230

Bois de bouleaux - commune d'Eyne, Cerdagne française, hiver 2019-2020

*

[*] Sources essentielles pour l'ensemble des critiques de lecteurs :

site communautaire de lecteurs

Babelio

*

Editions Stellamaris

LIEN DE L'EDITEUR (permettant de visualiser quelques pages de l'ouvrage)

*

" Ô heure merveilleuse, sérénité parfaite, jardin sauvage. 

Tu tournes le coin de la maison et dans l’allée, 

la déesse du bonheur se hâte à ta rencontre. " 

(Franz K., Journal, 15 septembre 1917)

 

Les grands peupliers bruissent à nouveau au-dessus de nous.
Dans l’un de ces coins égarés du grand parc de Prague, une couverture de laine dépliée sous elle, Julie est étendue en robe claire dans l’ombre bleue-verte des arbres.
Ces grands peupliers dans le vent qui vient ; leur long murmure de rivière.

Je dépose un baiser sur le front de l’infante endormie.

[Dourvac'h, Heiraten (Noces), éd. Stellamaris (2015), chap. XIII : "CHEVAUX DE ZÜRAU", p. 72-73]


*

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Sources des photographies et gravures en N & B (figurant dans l'ouvrage) :

Fonds Klaus Wagenbach:

pour les photographies des principaux protagonistes de Heiraten 

(Julie Wohryzek, Pension Stüdl, Gerti Wasner & Franz Kafka)

Cercles cartophiles en République Tchèque : 

pour les reproductions de cartes postales du début du siècle

(vues de la synagogue de Vinohrady, château de Kokorin, Klacelka

 *

Photographies couleurs (sauf ci-dessus : Choucas des Tours - cliché L.P.O.) :

Dourvac'h

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Commentaires
J
Bonjour Dourvac'h, que deviens tu ? Prépares tu un nouveau livre ? En attendant de tes nouvelles, je te souhaite un bon mardi sur la terre.
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R
Bravo, cher Jerry ! "Décadence" trouvera son public : je vais me renseigner sur ton site pour l'acquérir sans plus tarder, moi -z'aussi ... "Julie Wohryzek, Gerti Wasner, Fraülein Stüdl, Max Brod vont donc pouvoir revivre à nouveau, ainsi que Bruno Josse, Charlène, Rose, Clara et Aurélien... Amitié :-)
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J
Bonjour Dourvac'h , Après avoir fini ma lecture de "La vie après" d'Antoine Leiris , un premier roman fort rude puisque il évoque les attentats de novembre 2015 et la perte pour cet homme de sa femme durant cette tragédie, je vais relire "Grand Large (quel pied!) et "Heiraten" deux romans très opposés dans le fond mais avec une belle matière à lire qui demande à être relue avec joie ! Ça y est, c'est le jour J !
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J
Oh !! Bonne nouvelle, Dourvach ! "Heiraten" traduit en british par Bénédicte Leconte, Voila encore une manière de prolonger le plaisir de lire tes écrits mais en Anglais cette fois et , je pense que tu trouveras un éditeur américain pour narrer la vie de Franz Kafka , çà vaut le coup d'y croire. Merci pour ton judicieux commentaire au sujet de "Décadence" tu as tout dit, évoquer d'une manière légère et festive des problèmes sérieux permet de mieux attirer l'attention en 2020 . J'angoisse un peu , l'album sort dans pile une semaine...
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D
Cher Jerry ! Merci... Non, pas de nouveau livre ! "Grand Large" retrouve quelques lecteurs et "Heiraten" poursuit sa belle carrière... Sais-tu que ce dernier vient d'être (à mon sens : admirablement) traduit en langue anglaise par Bnédicte Leconte, une amie de "Babelio"... sous le titre "A Wedding Announcement" ? ... Donc le seul gros boulot "para-littéraire" des mois à venir est le polissage, la mise-en-page puis la recherche insensée d'un éditeur américain (à New-York ?) susceptible de s'intéresser à lcet épisode de la "petite life" de Franz Kafka... La fenêtre de tir est plus qu'étroite, comme tu le vois... Bon, vais aller visiter ton site et découvrir ta toute nouvelle production ! Félicitation pour ton Maire écolo... qui a, lui au moins, le courage de ne pas aimer ce Tour de France des beaufs, et sa caravane de S.U.V. et d' E.P.O. ! S'il fallait être (lâchement et servilement) "consensuel" tout le temps... :-)
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